Interview Est’Elles Executive
Article rédigé par Géraldine Couget, le 3 septembre 2021 (est-elles-executive.fr)
Tombée dans la marmite de l’enseignement alors qu’elle se destinait à la magistrature, Christine Morin-Esteves a dédié un quart de siècle de sa vie à l’ICN Business School. Aujourd’hui, elle se lance dans l’entrepreneuriat pour faire profiter ses clients de son expertise de la RSE. Rencontre avec l’une des cofondatrices du réseau EST’elles Executive, une femme déterminée et passionnée.
Il est important d’aimer qui l’on est. Mais comment y arriver ? Pour Christine Morin-Esteves, cela suppose d’être en cohérence avec ses valeurs. « On passe tous par des expériences de vie dont on est plus ou moins fier, de celles qui nous construisent. C’est le travail de toute une vie ! » Une existence déjà bien remplie pour cette jeune quinquagénaire, qui, après vingt-cinq années dans l’enseignement supérieur, a eu envie au printemps dernier de relever un nouveau défi : créer son entreprise, Arbor & Sens. Une façon de donner à la RSE[1] encore plus de place dans sa vie.
« Tous mes choix de vie et de travail sont mus par la passion, explique cette juriste de formation. Le droit pénal m’intéressait particulièrement, car l’individu y est central, notamment en termes de compréhension de l’humain et de la prévention. J’ai donc fait un doctorat sur la délinquance des mineurs. Puis j’ai souhaité devenir magistrat. »
La passion de l’enseignement
Pour gagner sa vie afin de préparer le concours de la magistrature, Christine a donné des cours à l’université ainsi qu’à l’ICN, où on lui a rapidement proposé un plein-temps, et même un CDI à partir de 1996. « J’y ai enseigné notamment le droit pénal, le droit de la consommation, le droit du travail. Et à partir de 2009, j’ai ajouté le développement durable et la RSE, qui ont fini par prendre le dessus les dernières années. »
Ainsi, au lieu de dédier sa vie professionnelle à l’exercice du droit, Christine s’est prise de passion pour l’enseignement, un métier qu’elle n’avait jamais envisagée au départ. « Cela m’a passionnée, car on accompagne l’autre et notamment les étudiants, on est à ses côtés. J’ai vite pris goût à l’observation de la métamorphose de mes jeunes élèves. Et cela m’a aussi transformée », confie la Nancéienne.
Au cœur de la RSE
À l’ICN, elle a aussi géré d’autres responsabilités, dont le Programme Grande École de 2005 à 2008, le département Environnement des Affaires, et depuis 2009, le service RSE et développement durable (DD). Animatrice du comité de pilotage DD/RSE, elle s’est ainsi testée à ce poste à 360 degrés : « ICN s’est engagée de plus en plus dans des actions DD/RSE, via les projets des étudiants, les enseignements délivrés, les travaux de recherche, les relations avec les entreprises, etc. Puis des actions ont été mises en place également au niveau du campus ARTEM. Mais je savais que je pouvais aller encore plus loin dans mes actions et la transmission de mes convictions, et c’était frustrant de ne pas donner plus de mon temps à l’accompagnement des entreprises en la matière. »
Christine a donc quitté l’ICN en mai 2021 et créé Arbor & Sens le mois suivant : « C’était devenu une évidence. J’avais bien mûri ma décision quand j’étais salariée et surtout, j’ai toujours été soutenue par mon entourage ! » Cette mère de deux enfants s’est en effet bien préparée et a pu se constituer un réseau solide, qu’elle continue de développer aujourd’hui. « Je me suis aussi formée, notamment à la CCI de Nancy, où je bénéficie d’un accompagnement de trois ans financé par la Région, ou encore à l’utilisation de LinkedIn », explique-t-elle.
Un nouveau bébé
La jeune entrepreneure, qui a beaucoup travaillé sur elle et se nourrit des bénéfices du développement personnel, a aussi profité de cette nouvelle page de sa vie pour reprendre le sport, s’essayer au dessin et suivre un programme avec une nutritionniste. « Cela me fait beaucoup de bien ! Il faut se sentir bien dans son corps pour être bien dans sa tête, et inversement. C’est un cercle vertueux », souligne-t-elle. Et fidèle à EST’elles Executive, qu’elle a contribué à créer, Christine a récemment rejoint le groupe de travail consacré à l’intégration de la RSE et à son impact au sein de ce réseau féminin.
Son nouveau bébé, Arbor & Sens, propose trois activités complémentaires : l’accompagnement des entreprises et structures publiques dans leur transition sociale/sociétale et écologique, l’audit RSE, et la formation des dirigeants et des collaborateurs à la RSE. « Je vais aussi continuer à enseigner cette discipline tout comme le développement durable au CESI, à l’École des Mines, ainsi qu’à la CCI, se réjouit-elle. J’ai envie de continuer à transmettre un message, à aider les gens à réfléchir sur toutes les actions que l’on peut entreprendre pour faire sa part au quotidien et impacter positivement les êtres vivants et l’environnement. Il me semble important de redonner du sens à notre vie et de savoir pourquoi on est là. La RSE y participe. »
Les qualités pour entreprendre
Créer sa propre entreprise nécessite bien des qualités. Pour Christine, la détermination compte beaucoup, ainsi que l’audace et le développement personnel : « J’essaie de cultiver tout ce qui est positif, ce qui se travaille par les belles rencontres, la formation, la méditation, la “bibliothérapie”, etc. ». Partager ses contacts et ses idées, donner de son temps aux autres et dépasser sa zone de confort compte également beaucoup pour elle.
Évidemment, l’ambition reste incontournable pour l’entrepreneur, mais « cela inclut aussi celle que l’on peut nourrir pour sa vie personnelle ou ses enfants, insiste-t-elle. Je suis aussi une utopiste réaliste : ma conviction est que le monde d’aujourd’hui et de demain a besoin d’entreprises comme qu’Arbor & Sens pour contribuer à changer le monde. Or la RSE constitue un excellent outil au service d’un nouveau modèle économique absolument nécessaire. Il faut avoir la tête dans les étoiles et les pieds sur le chemin qu’on s’est fixé. Sinon, on n’avance pas ! »
Cultiver sa verticalité
Déterminée à voir Arbor & Sens déployer ses ailes, Christine a aussi compris l’importance de se former en permanence et de savoir s’entourer : elle a déjà sollicité des experts (handicap, psychologie, gestion des déchets, analyse de cycle de vie, yoga, nutrition, etc.) pour en faire des partenaires. La liberté totale qu’elle ressent aujourd’hui, elle souhaite la mettre au service de son équilibre : « Il ne faut pas s’éparpiller, mais cultiver sa verticalité et son unicité. “Le bonheur, c’est quand vos actes sont en accord avec vos paroles”, disait Gandhi. Je veux mettre en cohérence tout mon être. »